Orientations pédagogiques

  1. Relier l’élève à la société
  2. Concilier bienveillance et exigence
  3. Considérer le simple et le complexe
  4. Développer des pratiques enseignantes efficaces et variées
  5. Pratiquer la différenciation
  6. Assurer la continuité et la cohérence de l’expérience d’apprentissage
  7. Développer des savoir-être
  8. Pratiquer l’évaluation au service de l’apprentissage
  9. Exercer un métier collectif

1. Relier l’élève à la société

L’école est un lieu de vie pour l’enfant, mais elle l’est sur un mode particulier : celui du rapport au savoir et à l’apprentissage. L’école propose à l’élève des connaissances, l’aide à maitriser des compétences, des habiletés intellectuelles et manuelles ainsi que des savoir-être. Par ces moyens, sans en avoir le monopole, l’école contribue à relier l’élève à la société. Elle fera ainsi accéder la génération montante à des références et à une mémoire collectives, l’éduquant concrètement, par son organisation quotidienne, à des attitudes démocratiques, civiques, critiques, soucieuses du bien commun. En cela, elle collabore, chaque fois que c’est possible, avec les familles, premier lieu où se transmet une culture et où s’apprend le lien social.

La société évoluant avec le temps, l’école du XXIe siècle s’inscrit aussi comme un maillon dans une chaine dynamique d’apprentissages tout au long de la vie. La société moderne est en effet caractérisée par des mutations multiples, un avenir complexe et incertain, ainsi qu’un rythme rapide de renouvèlement des connaissances (OCDE, 2018). Dans ce contexte, l’école propose à l’élève un ancrage, un socle qui lui permettra de continuer à apprendre bien longtemps après la sortie de l’enseignement obligatoire, au gré des évolutions de la société.

2. Concilier bienveillance et exigence

L’amélioration du niveau de culture et de compétence de l’ensemble de la population exige un climat de bienveillance et de coopération, condition à la vie en société. Cela implique la conviction que chaque élève peut apprendre (le postulat d’éducabilité), et en même temps que rien ne s’obtient sans effort, d’où la nécessité d’une certaine exigence.

Fixer pour chacun des attentes élevées, avoir des ambitions pour chaque élève, tout en étant convaincu que chacun est capable d’y parvenir, et en convaincre les élèves eux-mêmes : dans cette approche, l’enseignant les encourage et leur témoigne de la confiance en les poussant à se dépasser. Être exigeant avec chacun est une façon de témoigner de cette ambition, de refuser de laisser des élèves sur le côté. Les élèves qui ont des attentes élevées envers eux-mêmes et qui sont convaincus qu’ils peuvent y arriver sont ceux qui progressent le plus à l’école, quel que soit leur niveau de compétence ou leur milieu socio-économique de départ (Hattie, 2017).

Encourager l’élève dans ses progrès, l’encourager face à ses frustrations, l’inciter à persévérer dans les tâches plus ardues, et au final souligner les progrès accomplis et célébrer les résultats obtenus : l’exigence se conjugue à la bienveillance. Comparer les productions ou les résultats d’un élève à ses propres productions ou résultats antérieurs (afin de mettre en évidence les progrès) favorise davantage le sentiment de compétence et la motivation que la comparaison aux autres élèves ou à une moyenne (Bandura, 2003).

Un climat bienveillant, c’est aussi un climat qui promeut l’entraide, la coopération et une saine émulation. L’intérêt commun dans l’apprentissage peut entrainer une valorisation du travail en équipe : la réussite partagée transcende rivalités et concurrences (Guéguen, 2018).

Le respect des différences, l’écoute, la mise en valeur de la variété des talents, la patience sont des gages de réussite. L’échec lui-même, s’il devait avoir lieu, peut avoir un sens à condition d’être compris par l’élève, d’être accompagné et d’être vu comme une occasion d’apprendre.

3. Considérer le simple et le complexe

Les programmes contiennent à la fois des savoirs et des savoir-faire incontournables que les élèves doivent apprendre de façon systématique, et une logique de compétences dans laquelle les élèves doivent apprendre à mobiliser et utiliser leurs savoirs, savoir-faire et savoir-être pour réaliser des tâches, résoudre des problèmes, réaliser des projets, etc.

En d’autres mots, cela signifie que le simple et le complexe doivent tous les deux être considérés au sein des apprentissages. La maitrise des savoirs et savoir-faire de base est une condition nécessaire (mais non suffisante) à la réussite de tâches plus complexes (Rey et al., 2006).

Cette conception équilibrée n’est compatible ni avec l’idée que seules les compétences sont utiles, peu importent les savoirs (la « tête bien faite ») ; ni avec l’idée d’un enseignement mécanique des savoirs qui ne se préoccuperait pas de leur compréhension et de leur utilisation (la « tête bien pleine »).

Par contre, en matière de chronologie, l’organisation des séquences d’apprentissage peut se concevoir selon des modalités différentes, partant du complexe vers le simple ou vice versa. L’essentiel est que l’élève développe tant la maitrise des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être que sa capacité à les mobiliser et à les mettre en lien pour résoudre une tâche.

Le recours à des situations complexes (activités de « mise en lien ») permet de mettre en évidence les savoirs ou les savoir-faire qui sont déjà bien maitrisés, ainsi que ceux qui peuvent être améliorés ou qui ne sont pas maitrisés du tout. Cela permet aussi de placer les apprentissages dans des mises en situation plus significatives, qui leur donnent de la pertinence. À l’inverse, un enseignement et un entrainement structuré de contenus ciblés (activités « élémentaires ») permettent de développer les apprentissages de façon systématique et explicite, au bénéfice notamment des élèves les plus faibles ou les plus éloignés de la culture scolaire. Une activité qui contient de l’implicite ou qui véhicule trop d’informations peut en effet mettre en difficulté certains élèves.

Dans tous les cas, il est nécessaire d’assurer une boucle qui passera plusieurs fois par l’un et l’autre. La question de savoir par où cela a commencé devient donc de moindre importance.

4. Développer des pratiques enseignantes efficaces et variées

En matière d’enseignement, un des principaux écueils est de considérer qu’il existe une seule et unique « bonne » façon d’enseigner. L’histoire de la pédagogie est remplie de méthodes à la mode ou de modèles passagers qui n’ont pas résisté à l’épreuve du temps.

Pour autant, toutes les pratiques ne se valent pas. Les résultats de la recherche scientifique en éducation permettent de mettre en évidence que certaines approches, certaines pratiques pédagogiques ou certains gestes professionnels sont plus efficaces et/ou plus équitables que d’autres. Ces pratiques sont bien souvent spécifiques à certains contenus d’apprentissage ou à certains contextes. Par ailleurs, les résultats de la recherche en éducation sont toujours à considérer dans une perspective historique, et le consensus scientifique peut évoluer au regard de nouvelles découvertes.

À l’instar de Legendre (2006), nous définissons l’enseignant efficace comme un enseignant qui connait des pratiques, des stratégies et des techniques d’enseignement variées et qui est capable d’utiliser celles-ci à bon escient en fonction de chaque situation.

Cela signifie que les choix méthodologiques doivent être adaptés au contenu à enseigner, aux besoins des élèves, aux ressources disponibles, etc. L’enseignant est la personne la mieux placée pour tenir compte de ces différents paramètres. Pour qu’il puisse faire un choix éclairé dans chaque situation, il est nécessaire qu’il soit alimenté au moyen d’outils, de repères, de formations, de lectures… Ce choix éclairé se basera autant que possible sur les résultats les plus récents de la recherche et les avancées scientifiques.

Quand des élèves sont en difficulté, ils ont davantage besoin d’une approche différente que de « plus de la même chose » (Hattie, 2017). Varier les pratiques enseignantes correspond également à ce constat. Il s’agit donc d’évaluer l’impact des pratiques enseignantes mises en œuvre et d’être capable d’en essayer d’autres pour aider les élèves qui en ont besoin.

L’utilisation des potentialités du numérique, en tant qu’aide à l’enseignement et à l’apprentissage, est à considérer dans la même logique. Les résultats de la recherche disponibles à ce jour montrent que les élèves qui utilisent massivement le numérique à l’école n’obtiennent pas nécessairement de meilleurs résultats, mais que le plus important est surtout la manière dont le numérique est utilisé (OCDE, 2015). Il s’agit donc de l’utiliser avec discernement, quand il apporte une plus-value en termes de variété pédagogique et d’efficacité.

5. Pratiquer la différenciation

Selon le Code de l’enseignement (livre II, art. 2.1.1-1) , les pratiques de différenciation sont des démarches qui consistent à varier les moyens, les dispositifs et les méthodes, pour amener chaque élève à atteindre au minimum les attendus annuels visés dans les référentiels.

Si l’enseignement « tout collectif » uniquement en classe entière ne permet pas d’assurer la gestion de l’hétérogénéité et d’atteindre les objectifs d’efficacité et d’équité poursuivis, l’enseignement « tout individualisé » n’est pour sa part ni réaliste, ni nécessaire, ni souhaitable (CNESCO, 2017).

En matière de différenciation, il s’agit d’éviter de tomber dans certaines croyances réfutées au niveau scientifique, comme celle qui prétend que « chacun possède son propre style d’apprentissage (visuel, auditif, kinesthésique…) » (Dehaene, 2018).

L’enjeu n’est pas tant de s’adapter à des caractéristiques intrinsèques des élèves, mais plutôt de s’adapter aux connaissances antérieures des élèves, à leur niveau de compréhension et de maitrise des prérequis, ou encore aux difficultés qu’ils rencontrent, et d’utiliser à bon escient les modalités qui permettent de proposer à chaque élève des tâches et des conditions d’apprentissage adaptées pour les faire progresser (Galand, 2017).

La différenciation peut aussi être abordée dans une approche préventive, en anticipant la diversité des obstacles que les élèves sont susceptibles de rencontrer. Pour les élèves à besoins spécifiques, cela conduira à mettre en place une logique de pédagogie universelle (aménagements universels), qui bénéficie à tous. Pour les élèves issus de milieux dont la culture est plus éloignée de la culture scolaire, cela revient à pratiquer une différenciation à priori ou « une diffraction » (Kahn, 2011).

6. Assurer la continuité et la cohérence de l’expérience d’apprentissage

La notion de continuum pédagogique est définie comme étant le parcours d’apprentissage d’un élève, d’une année à l’autre, en vue d’atteindre les attendus définis au terme du tronc commun (Code de l’enseignement, livre I, art. 1.3.1-1). l s’agit de permettre à l’élève de parcourir sa scolarité de manière continue, à son rythme et autant que possible sans maintien, depuis l’entrée à l’école maternelle jusqu’à la fin du tronc commun.

Afin que ce parcours d’apprentissage soit un réel continuum, il est nécessaire que les différents enseignants et membres de l’équipe éducative – que l’élève rencontre simultanément ou successivement – se coordonnent de façon à construire ensemble une réelle progression des apprentissages (sur le plan des contenus) et une cohérence d’actions (sur le plan des pratiques). Il s’agit de transformer la vision commune déclarée en une réalité vécue par chaque élève.

L’effort de démocratisation des études, qui a déjà permis l’accès des études secondaires à l’ensemble de la population, doit viser l’idéal d’une vraie réussite de chacun, dans tous les aspects de sa personne (cognitif, moral, psychologique, social, esthétique, moteur et spirituel). Cette visée situe l’ensemble de la scolarité obligatoire dans une perspective qui favorise l’orientation de l’élève et la maturation de son projet personnel, plutôt que dans une perspective de sélection par l’échec.

 

7. Développer des savoir-être 

Le Code de l’enseignement (livre I, art. 1.3.1-1) définit la compétence comme l’aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être permettant d’accomplir un certain nombre de tâches. Ces savoir-être, aussi appelés attitudes, ne sont pas forcément aisés à définir, à lister, à apprendre ou à évaluer. Cette difficulté ne les rend pas moins essentiels (OCDE, 2018).

Voici quelques exemples de savoir-être (attitudes) : curiosité et envie de découvrir, bienveillance, empathie, confiance, solidarité, coopération, respect de la diversité, esprit d’entreprendre, adaptabilité, persévérance, sens des responsabilités, capacité à poser des choix, créativité, protection de l’environnement… Ces savoir-être s’appuient sur certaines compétences, notamment développées en éducation à la philosophie et à la citoyenneté ou encore dans les visées transversales du Tronc commun, mais aussi sur des valeurs, telles que la justice, la liberté ou le respect. Ils s’actualisent au travers d’actes concrets, il ne s’agit pas d’idées théoriques ou abstraites mais d’attitudes en action.

S’il n’est pas simple de dire comment ces savoir-être peuvent être appris et développés, il est néanmoins nécessaire de ne pas se contenter de les attendre ou de constater leur présence plus ou moins forte chez chaque élève. L’école se donne la mission et l’ambition de susciter et de les développer au travers des différentes expériences d’apprentissage qu’elle propose à chaque élève. Y porter de l’attention, expliciter les attitudes attendues, donner des feedbacks à leur sujet, offrir des occasions de les démontrer et de les développer, montrer l’exemple en tant que membre du personnel éducatif, sont autant de pratiques qui peuvent traverser les moments d’apprentissage au fil de l’année.

 

8. Pratiquer l’évaluation au service de l’apprentissage

L’élève n’apprend pas pour être évalué, mais l’évaluation des apprentissages est un élément indispensable du dispositif pédagogique. Dans une logique d’évaluation au service de l’apprentissage (évaluation formative), évaluer consiste à apprécier les progrès accomplis par l’élève, à mesurer les acquis de l’élève et à comprendre la nature des difficultés qu’il rencontre lors d’un apprentissage, pour l’aider à s’améliorer via une rétroaction constructive (feedback). Cela permet par ailleurs à l’enseignant de situer chaque élève sur sa trajectoire d’apprentissage individuelle afin de réguler ses interventions pédagogiques et sa planification. L’évaluation donne donc des informations cruciales, tant à l’élève qu’à l’enseignant.

Une évaluation au service de l’apprentissage est critériée, c’est-à-dire que la compétence ou la production de l’élève est jugée en la comparant à des critères qui décrivent le niveau de maitrise visé (Scallon, 2004). Cette évaluation critériée s’oppose à une évaluation normée, dans laquelle la compétence ou la production de l’élève est comparée à celle des autres élèves ou à une norme chiffrée (moyenne, etc.).

Que ce soit en apprentissage ou en évaluation, chaque erreur est une indication importante, une fenêtre sur l’état des apprentissages. L’erreur est une composante normale de tout apprentissage. Un climat d’acceptation et d’utilisation des erreurs comme indices pour s’améliorer est propice au progrès des élèves, contrairement à un climat qui sanctionne les erreurs.

La démarche de l’élève pour résoudre une situation ne se limite pas à ce qu’il écrit ou produit. Outre la prise en compte des productions de l’élève, l’enseignant doit donc passer par une phase d’observation, d’écoute et d’interactions avec l’élève pour accéder à sa pensée et ainsi identifier les ressources qu’il parvient plus ou moins efficacement à mobiliser dans la situation. Cette démarche qui consiste à croiser productions, observations et interactions s’appelle la triangulation (CFORP, 2013).

Outre l’évaluation formative qui est la norme en cours d’apprentissage, il existe aussi des évaluations sommatives et certificatives. L’évaluation sommative permet d’établir un bilan des acquis des élèves par rapport aux attendus au terme d’une ou de plusieurs séquences d’apprentissage. L’évaluation certificative intervient dans la délivrance d’un certificat d’enseignement (Code de l’enseignement, livre I, art. 1.3.1-1).

L’évaluation perd toute validité si ce qui est évalué ou la façon dont c’est évalué ne correspond pas à l’objectif prétendument poursuivi (contenus et attendus des référentiels et programmes), à ce qui a été effectivement appris, ainsi qu’aux conditions dans lesquelles l’apprentissage a été réalisé. Cette triple concordance est parfois nommée aussi « alignement pédagogique ». Une évaluation sommative ou certificative doit donc être conçue en concordance avec les objectifs d’apprentissage et avec les conditions dans lesquelles cet apprentissage a été réalisé (même type de consigne, même matériel disponible, même niveau de maitrise exigé…). Un élève ne devrait jamais être « surpris » face à une question d’évaluation sommative ou certificative.

 

9. Exercer un métier collectif

Le métier change. Il implique, progressivement, un exercice plus collectif et une place à faire à de nouvelles méthodes. Il appartient aux enseignants d’en inventer les chemins. Il reste cependant que la relation pédagogique implique un engagement singulier de chaque enseignant, appelé à reconnaitre ses valeurs pour décider de son action.

Les enseignants, avec tous les partenaires de l’école, sont solidairement responsables de leur mission au service des élèves. La collaboration de tous est requise pour aider chaque enfant à développer les mêmes compétences de 2 ans et demi à 18 ans et pour assurer son développement global. Cela n’est possible que grâce à un travail de concertation fréquent entre les enseignants au sein de l’équipe éducative. Les échanges et partages entre enseignants sont les atouts d’une réelle continuité des apprentissages organisée. Celle-ci incite chaque enseignant à ne pas considérer sa profession comme un engagement individuel face à ses élèves, mais comme un investissement dans les aspects collectifs de son métier.

Le leadership pédagogique du directeur est, ici, déterminant. Son action peut s’adosser à un plan de formation continuée élaboré en équipe. Il est notamment de sa responsabilité de mettre en place des lieux et des temps d’échanges professionnels effectifs entre enseignants.